Forêts émettrices de carbone: démêlez le vrai du faux

Le 3 mai 2023

Ces dernières années, il est de plus en plus fréquent d'entendre parler de la notion de « forêts émettrices de carbone ». Cette expression désigne des forêts qui ont cessé d'être des puits de carbone pour devenir des sources d'émissions de CO2. Autrement dit, elles rejettent davantage de carbone dans l'atmosphère qu'elles n'en absorbent.

Nous avons rédigé cet article pour vous aider à mieux comprendre ce concept de forêt émettrice de carbone. Où se trouvent-elles dans le monde ? Contribuent-elles réellement au réchauffement climatique ? Le phénomène est-il réversible ? Cet article fait le point sur les causes, les problèmes et les solutions qui peuvent être apportées aux forêts qui deviennent émettrices de carbone.

En résumé:

  • Les forêts sont des puits de carbone naturels qui stockent le CO2 absorbé par la photosynthèse, ce qui souligne l'importance de maintenir des forêts en bonne santé à long terme pour réduire l'impact du CO2 dans l'atmosphère.
  • L'augmentation de la mortalité des arbres dans les forêts fragilisées, dû à des facteurs liés à l’intervention humaine ainsi qu’au réchauffement climatique, perturbe les flux de carbone entrants et sortants des forêts. Les écosystèmes forestiers séquestrent ainsi de moins en moins de carbone et peuvent devenir des sources nettes de carbone. Ainsi, aujourd’hui, certaines forêts localisées dans des régions tropicales et subtropicales sont déjà émettrices de carbone.
  • Même si la taille des forêts dans le monde a augmenté depuis 20 ans, presque la moitié de ces nouvelles forêts sont des plantations souvent en monoculture. Elles sont moins bénéfiques pour la biodiversité et le stockage de carbone à long terme que les forêts naturelles, soulignant l'importance de l'intégrité forestière. Il est crucial de reconstruire des forêts d’écosystèmes natifs et denses à grande échelle afin de contrer le phénomène d’émissions carboniques forestières.

Comment les forêts captent-elles du carbone ?

Pour interpréter les flux de CO2 entrants et sortant des forêts, il est d’abord important de comprendre comment les forêts fonctionnent.

Un puits de carbone est un système naturel qui séquestre et stock du carbone de l’atmosphère. Il peut s’agir d’une forêt mais aussi d’océans, de prairies, etc.

Aujourd’hui, les forêts couvrent 31% de la surface terrestre. Elles constituent le deuxième puits de carbone le plus grand au monde, après les océans, qui eux absorbent 40% de tout le CO2 produit sur Terre. En absorbant le carbone des molécules de CO2 dans l’air grâce à la photosynthèse, les plantes et les arbres stockent ce CO2 sous forme de bois et de matière organique, tout en relâchant dans l’atmosphère le double d’oxygène. A noter que, plus l’écosystème forestier est vieux, plus la capacité à absorber est grande et plus il a de carbone stocké. Il est donc essentiel de conserver des forêts en bonne santé et sur le long terme.

Quels sont les facteurs qui peuvent pousser les forêts à émettre du carbone ?

Bien qu’elles absorbent plus de CO2 qu’elles n’en rejettent, les forêts ont toujours naturellement émis du carbone.

La nuit, par exemple, la photosynthèse n'étant plus possible par manque de lumière, les plantes respirent comme n'importe quel autre être vivant, inspirant de l’oxygène et expirant du dioxyde de carbone. La décomposition des bois morts dégagent aussi du CO2, qui est stocké dans la matière organique de la plante.

Par conséquent, on comprend vite que, tandis qu’une forêt en bonne santé va contribuer à diminuer le carbone dans l’atmosphère, une forêt fragilisée va, au contraire, participer au réchauffement climatique.

Et ces forêts fragilisés sont de plus en plus nombreuses. La hausse de mortalité des arbres est une réalité. Elle est due à des facteurs comme le réchauffement climatique dans son ensemble, les incendies, les sécheresses, les maladies, les parasites, la dégradation d’écosystèmes. Elle s’explique aussi par la déforestation, d’une part, et la fragilité des jeunes arbres plantés en monoculture d’autre part. La déforestation, à elle seule, libère près de 1,8 milliard de tonnes de CO2 dans l’atmosphère par an.

Cette augmentation de la mortalité entraine une perturbation des flux de carbone entrants et sortants des forêts. Les écosystèmes forestiers séquestrent de moins en moins de carbone, et en conséquence, en relâchent de plus en plus. De ce fait, aujourd’hui, certaines forêts peuvent devenir des sources nettes de carbone, accélérant le changement climatique.

Quelles forêts émettent du carbone aujourd’hui ?

La carte ci-dessous montre les flux forestiers de gaz à effet de serre dans le monde entre 2001 et 2021. On y voit que certaines forêts sont déjà émettrices de carbone. En violet, en Amérique Centrale et Latine, en Afrique et en Asie du Sud-Est. Autrement dit, elles sont concentrées dans le biome tropical et subtropicale, dans des pays comme le Brésil, le Congo, la Malaisie, l’Indonésie, etc. Dans ces zones, les activités humaines destructives provoque la disparition de la forte capacité de séquestration naturelle de carbone de ces forêts tropicales. D’autres forêts émettrices existent dans certaines portions de forêts en Russie, au Canada, en Amérique centrale ou encore à Madagascar.

Source: Global Forest Watch

Comment limiter les émissions de carbone forestières ?

Afin de rééquilibrer les flux de carbone dans les forêts il faut, en priorité, protéger les écosystèmes forestiers déjà en place. Les forêts âgées ont une capacité à séquestrer des quantités plus grandes de carbone de l’atmosphère, beaucoup plus rapidement en comparaison avec les jeunes forêts.

La reforestation à très grande échelle est nécessaire afin de remédier à la déforestation et à la dégradation des forêts. Mais il est encore plus crucial de recréer au plus identique possible l’écosystème natif dégradé, autrement dit une forêt de haute intégrité.

L’intégrité forestière et la nécessité de forêts avec une haute biodiversité

La forêt intéresse de nombreux acteurs économiques et sociaux, à la recherche de compensation carbone. Selon le World Resources Institute, entre 2000 et 2020, la taille des forêts dans le monde a augmenté de 1,3 million de kilomètres carrés, soit une superficie plus grande que le Pérou, avec la Chine et l'Inde en tête. Mais, comme l’explique Elizabeth Pennisi dans un article de Science, environ 45% de ces nouvelles forêts sont des plantations, autrement dit des agrégations denses dominées par une seule espèce qui sont moins bénéfiques pour la biodiversité et le stockage de carbone à long terme que les forêts naturelles. En effet, il ne suffit pas de planter des arbres pour recréer une forêt.

Dans une étude de 2019 publiée dans la revue Nature, Lewis et ses collègues ont estimé que si les 350 millions d'hectares de forêts dégradées dans le monde pouvaient se régénérer naturellement, ces terres séquestreraient environ 42 milliards de tonnes métriques de carbone d'ici 2100. En revanche, si les terres étaient remplies de plantations commerciales d'arbres uniques, le stockage de carbone chuterait à environ 1 milliard de tonnes métriques.

Ce qui est en jeux ici c’est l'intégrité forestière, qui est définie par rapport à quel point la structure, la composition et la fonction d'une forêt ont été modifiées par l'homme. Les forêts de haute intégrité sont plus efficaces pour ralentir le rythme du changement climatique en piégeant et en stockant le carbone.

Source : World Resources Institute

La baisse du niveau de biodiversité attaque l’intégrité forestière, résultant dans d’autres problèmes liés à la fertilité et la stabilité du sol, l’abondance d’eau, la productivité, la population locale, et enfin le stockage de carbone. Ne promouvant pas la biodiversité locale, la reforestation par plantation d’une seule espèce est une entrave à une forêt permettant de séquestrer du carbone. Cet article explique plus en détail les avantages de la restauration d’écosystèmes comparé à la reforestation mono-espèce.

Il est urgent d’agir et d’inverser le phénomène de forêts émettrices de carbone, en reconstruisant les écosystèmes natifs dans des zones tropicales, permettant de séquestrer le plus de carbone possible et d’accélérer au plus vite la lutte contre le réchauffement climatique.

Ce type de reconstitution d’écosystème biodivers est la méthode privilégiée par différents acteurs, dont MORFO. Découvrez MORFO en cliquant ici.

Rédactrice en Chef et Manager de Contenu
Lorie Louque
- Paris, France
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